J’ai deux amours, exposition
La Cité nationale de l’histoire de l’immigration présente J’ai deux amours, une exposition élaborée à partir de près de 106 oeuvres de sa collection d’art contemporain. En interrogeant les thèmes liés à l’immigration, départ, illusion, frontière ou recréation d’un univers, le musée de la porte Dorée propose de nombreuses pistes de réflexion à l’aide de photographies, installations, sculptures et vidéos d’artistes contemporains.
J’ai deux amours, mon pays et Paris… Le refrain de la célèbre chanson de Joséphine Baker choisi pour servir de titre à l’exposition de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration prépare le visiteur à d’autres images que celles présentées sur le parcours. Peut-être faut-il interroger le texte réel de la ritournelle, avant d’appréhender les travaux des artistes sélectionnés pour cette exposition parmi le fonds d’art contemporain du musée. J’ai deux amours, chantée pendant les manifestations de l’exposition coloniale de 1931, ne parle pas tant d’asile heureux que de désir lancinant de l’atteindre. Il existe une cité au séjour enchanté...
Joséphine Baker a incarné une figure idéale de l’immigration, une artiste noire ayant rencontré en France un succès, une reconnaissance, qu’elle n’aurait peut-être jamais pu atteindre (à tout le moins pendant les années 30) dans son pays d’origine, les États-Unis. Aussi est-il facile d’oublier que les deux amours du refrain, le pays d’origine et le pays rêvé, ne composent pas le même duo dans la réalité migratoire. L’exposition trace un parcours ambitieux à travers cinq étapes de l’expérience du migrant – départ/rêve/frontière/vivre ensemble/recréation de son univers-, en gardant le cap sur la volonté de ne pas mettre les oeuvres à distance de ceux qui les découvrent. Ainsi une des oeuvres « fils conducteur » de Shen Yuan (Trampolin 1 2 3 4 5, 2004), invite le visiteur à trouver refuge sur des sortes de poufs nomades inspirés des tracés des grandes métropoles.
Finalement le parcours aussi formel soit-il, ne joue pas forcément la musique attendue. Dans la matière photographique, la série d’images de Bruno Seralongue prises à Calais contredit brutalement le titre de l’exposition, entre en quelque sorte dans le vif du sujet. En revanche les tableaux photographiques de Mohammed Bourouissa semblent tout d’abord se situer en aval de la question de l’émigration. On pense y saisir un cliché de la banlieue, on y trouve finalement une réflexion sur la frontière (entre générations, classes sociales, zones géographiques…). Illusion toujours, le visiteur est invité à emporter un peu du rêve, un peu du désir d’ailleurs, matérialisé par les vues du port d’Alger de Karim Kal, mises à la disposition du public.
L’exposition, qui débute par une installation spectaculaire de Barthélemy Toguo qui renvoie au drame de l’immigration clandestine (Road to exile, 2008), se clôt sur un sentiment de schizophrénie face aux trois écrans de vidéo de Ghazel (Me, 2003-2008), ou sur le thème du dédoublement identitaire encore, en jeu dans la surprenante machine de Kader Attia (La Machine à rêve, 2008). On savait bien qu’il n’existe point d’amour heureux, mais la proposition du refrain de Joséphine Baker J’ai deux amours laissait espérer des pistes de réflexion plus nombreuses sur la question de la double appartenance, de l’intégration… L’exposition est mal titrée, certes (s’agirait-il d’une sombre ironie ?), mais on vous encourage à la découvrir.